Dialourds de Sogue

Lundi

[II]

Assis sur un banc laid blanc.

Selon ce qui était scrupuleusement écrit dans mon carnet rouge,
je suivais Patchouli « depuis deux mois et cinq jours ».

Au début, je me contentai du poteau.

Je veux dire, je restai là pendant des heures à l’attendre discrètement collé à un
lampadaire, afin de contempler l’espace de quelques secondes ses mouvements
gras enfouis dans ce décorum de raffinement mal agencé.

Qui pourrait croire en un tel sommet d’ignominie au sein d’un même
ramassi cellulaire.

C’était odieux, j’adorais, je prenais des notes et croquais parfois les courbes enflées
de l’immonde chose.

Au fil du temps, je connaissais les trois trajets principaux qu’elle empruntait
dans une semaine type, hors vacances et jours fériés.
Et visiblement, elle avait une tenue du Lundi :
le gilet pourpre en maille ajouré, genre fillet de pêche, laissant apparaître
négligemment un chemisier en soie au col oversize imprimé du sceau immense
‘Dezigual’. Sa marque préférée.
Sa boîte aux lettres Rue de l’Hydre, jardin tondu, volets lavande, était parfumée,
aspergée d’une fragrance printanière plusieurs fois par semaine, sans faute.

Rien, derrière ce style propret de Madame fleurie encapsulée dans ses Chanel’s
sans toupet, ne laissait présager ce dont cet Être était capable, rien, vous dis-je.

‘Il est tombé sur moi comme ça, le Vautour,
au détour d’un retour, drame en coulisse.
Je ne l’attendais pas de cette oreille,
j’aurai entendu plus de panache, de paillettes,
le Destin qui dizait.
Si pressé de la vivre cette danse lubrique,
urgemment Terroriste, cette sérénade.
Et vlan, le vlà qui se pointe, l’oiseau fielleux,
avec ses canines de mentor et ses joues en plastoc.’