[III]
Rue de la Bourse, il pleut.
J’ai capté en entrant : le type de droite venait de cracher sur le patron, qui,
torse nu et en sueur, le menaçait d’une canette d’Oasis édition limitée Coupe du
Monde, à gauche la serveuse sentait le pavot et l’arnaque, et celui du fond avait l’air
de peser dans le game, vrai suceur de tèrtèr, il riait, fort, assis sur un congélateur.
Me voyant, comme pressenti il m’apostrophe :
– Hé tuveukoi gamin?
Mon aspirateur à fou est allumé aujourd’hui.
Vite, une réponse un truc…
Dans le noir au fond de ce traquenard, la loupiote des chiottes, ce néon frénétique,
clignotait comme un épileptique fatigué.
– J’dois voir le patron pour euh…un truc.
– Comme tu peux le voir il est…en galère! éclata t-il d’un rire gras.
La canette Brésilienne explosa à mes pieds.
– Je vais l’attendre plus loin, montrai-je vaguement d’un geste,
me collant à une table adjacente.
La grêle s’intensifia tellement que je ne discernai plus le fracas de la bagarre, du vacarme causé par le plafond de tôle mitraillé.
– Éteindre une personne en pleine immolation, c’est un acte égocentré…
et d’une crasse cruauté! »
Il écrase sa cigarette à gros doigts, souillés de cendre noire. Un verre de flammes
dans l’autre main, impassible, il reprend visant la serveuse :
– Vou’croyez-pas?
La fille, songeuse :
– Je sais pas… C’est horrible, il avait quel âge..? Je vous ressert?
Le type :
– Qui? Non merci. Vou’fumez?
Elle :
– Bin l’immolé, votre truc d’immolé là… 17 euros svp. Je trouve que ça pue et je ne
bois pas, pas comme vous…
Vous réglez comment?
‘silence’
Lui :
– 62 ans, et il a survécu…pour le pire! Vou’rendez compte…?! En espèces, tenez.
Vouzêtes pour l’euthanasie vous…?
Eux :
– Parce que si on part du princi…mmm…Merci, j’y connais rien au foot moi vous savez…
Votre ticket, bonne journée monsieur.
Le patron avait remis son t-shirt. La serveuse faisait un noeud au sien.
– Viens bonhomme, c’est bon, désolé pour la canette me lança t-il en plaquant sa mèche sur son front trempé. Il te fallait quoi?
– Du glucose chef. 100 litres…